Vente directe : peut-on légalement refuser de payer la CVO ?

04/06/2025

Qu’est-ce que la CVO et à quoi sert-elle ?

Commençons par le début : qu’est-ce que la CVO, et pourquoi sommes-nous tenus de la payer ? La Contribution Volontaire Obligatoire est un prélèvement imposé par les interprofessions, ces organisations qui fédèrent les différents acteurs d’une filière, comme celle de la viticulture. Elle sert à financer un ensemble d’actions collectives : promotion des produits, travaux de recherche, études prospectives, méthodes de production, ou encore régulation du marché. En d’autres termes, elle prétend défendre les intérêts communs des producteurs, grossistes et distributeurs.

Mais pour beaucoup de vignerons, notamment ceux qui commercialisent en direct, la question se pose : "Qu’apporte réellement l’interprofession à mon activité ? Pourquoi devrais-je financer des opérations de promotion ou de régulation dont je ne bénéficie pas directement ?" Et derrière cette contestation se cache une autre question, plus juridique : est-il légal de se soustraire à cette contribution si l'on n’utilise aucun service collectif ?

Le cadre légal de la CVO : ce que dit la loi

La collecte de la CVO est encadrée par le Code rural et de la pêche maritime, en particulier ses articles L632-1 à L632-12. Ces textes permettent aux interprofessions reconnues par l’État d’étendre une disposition volontaire (comme une cotisation) à l’ensemble des opérateurs d’une filière, pour en faire une obligation juridique. Ce mécanisme d’extension rend donc la CVO collectivement applicable, qu’on participe activement ou non aux activités de l’interprofession.

En pratique, l’interprofession fixe le montant de la CVO, ainsi que ses conditions de collecte. Dans la viticulture, cette collecte est le plus souvent prélevée via les déclarations de récolte faites à l’administration. Vous ne pouvez donc pas simplement refuser de payer sous prétexte que vous ne vendez qu’en direct. Le cadre légal ne fait pas cette distinction.

Monopole et critiques : un cadre contesté

Les interprofessions, bien que reconnues par l’État, n'échappent pas à la critique. Le système des CVO est parfois perçu comme un monopole légalisé, imposant une solidarité forcée entre les acteurs d’une filière pourtant diverse et hétérogène.

En viticulture, la contestation vient principalement des indépendants. Ces derniers estiment que, contrairement aux grandes entreprises ou aux coopératives qui profitent des régulations de marché ou des actions promotionnelles globales, ils subissent une double peine. Non seulement ils doivent financer ces actions, mais en plus, ces campagnes collectives ne représentent pas toujours leurs valeurs ou leurs pratiques (comme les démarches bio ou nature, parfois oubliées dans la communication collective).

Résultat : certains vignerons tentent de s’affranchir du paiement, parfois par principe, souvent par nécessité financière. Mais attention, le refus de paiement n’est pas sans risque.

Peut-on refuser de payer légalement une CVO ?

En théorie, refuser de payer une CVO revient à contester une obligation légale. Or, une dette vis-à-vis d’une interprofession est juridiquement assimilée à une dette fiscale. Cela signifie que l’interprofession dispose de moyens coercitifs pour recouvrer ces montants, jusqu'à engager des poursuites. Les conséquences peuvent aller d’une amende au recouvrement forcé par les services fiscaux.

Cependant, certains tentent un terrain plus délicat : celui du recours juridique. Pour ce faire, les arguments principaux reposent souvent sur :

  • Le manque de transparence des actions financées par les CVO, si celles-ci ne sont pas clairement expliquées ou détaillées dans les rapports publics.
  • Le désaccord de principe, arguant que leur activité n'entre pas dans le champ des actions justifiant la cotisation (par exemple, pour des producteurs en biodynamie s'estimant hors du modèle conventionnel promu).
  • Une contestation formelle devant les tribunaux des conditions d’extension des accords interprofessionnels, qui doivent respecter un cadre précis pour être opposables.

Ces recours, bien que possibles, nécessitent de solides appuis juridiques, un avocat spécialisé en droit rural, et une certaine résistance, car les interprofessions disposent d’une structure légale acclimatée à résister aux litiges individuels.

Quels choix pour les vignerons ?

Face à cette situation, quelles sont les options pour les vignerons concernés ? En réalité, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  1. Accepter la CVO tout en demandant des comptes : si vous ne contestez pas l’idée même de solidarité interprofessionnelle, mais que vous trouvez le fonctionnement opaque, vous avez le droit de demander un accès détaillé aux budgets, aux actions financées et à leur pertinence.
  2. Rejoindre le collectif : Organisez-vous avec d’autres vignerons partageant vos préoccupations pour faire pression sur l’interprofession. La mise en place de groupes d’intérêt au sein du système est une manière légale et constructive d’influer sur les orientations prises.
  3. Contester juridiquement : Si vous estimez que votre situation est objectivement injustifiable, consultez un avocat. La voie juridique est longue, mais certaines petites victoires individuelles ont déjà été gagnées en ce sens.
  4. Anticiper et limiter l’impact : Dans la mesure du possible, optimisez vos déclarations administratives pour réduire vos assiettes de cotisation, tout en restant conforme aux obligations légales.

Vers une réforme de la CVO ?

La problématique des CVO ne touche pas que les vignerons travaillant en direct. Elle soulève également une question plus large concernant la gouvernance des interprofessions et la représentativité réelle des petits acteurs. Ces dernières années, de nombreuses voix, tant chez les agriculteurs que dans d’autres métiers artisanaux contribuant aux interprofessions, demandent une réforme de ce système pour une répartition plus équitable et adaptée.

À terme, il pourrait être opportun d’évaluer l’adéquation du modèle actuel face à une filière en pleine mutation : diversification des pratiques (bio, biodynamie, nature), multiplication des circuits courts, ou encore évolution des attentes des consommateurs.

Une situation à surveiller de près

Si vous êtes concerné par le sujet de la CVO et ses enjeux, restez attentifs aux évolutions juridiques en cours et n’hésitez pas à vous entourer d’experts pour adopter les meilleures stratégies, qu’elles soient légales, financières ou collectives.

La viticulture française est riche de sa diversité — chaque voix mérite d’être entendue et chaque modèle, respecté. L’enjeu pour les années à venir sera peut-être de rendre ces contributions plus flexibles, plus adaptées aux spécificités locales et individuelles. Gardez à l’esprit que vous n’êtes pas seul dans ce combat : l’information et le collectif restent vos meilleurs outils.

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