Tout savoir sur les montants de la CVO dans la Vallée du Rhône : chiffres, règles et réalités

02/11/2025

Qu’est-ce que la CVO et pourquoi la paie-t-on dans la Vallée du Rhône ?

La Contribution Volontaire Obligatoire, ou CVO, est imposée à tous les opérateurs professionnels de la filière viticole sur le territoire d’une appellation. D’apparence paradoxale dans son intitulé – « volontaire » mais « obligatoire » dès lors qu’on revendique sous AOP ou IGP –, la CVO est l’un des leviers de financement essentiels des instances interprofessionnelles. Dans la Vallée du Rhône, la CVO alimente l’Interprofession des Vins AOC Côtes du Rhône et Vallée du Rhône (Inter Rhône), qui gère la promotion, la défense, la recherche et l’administration collective des intérêts de la filière.

La CVO sert à financer :

  • Les actions de promotion et de communication (campagnes en France et à l’international)
  • La défense juridique, la protection des appellations
  • La recherche technique, expérimentations et formation
  • La gestion collective (traçabilité, certification, statistiques, etc.)

Qui paie la CVO dans la Vallée du Rhône ?

Tous les opérateurs de la filière sont redevables :

  • Producteurs indépendants à la propriété
  • Caves coopératives sur la base de leurs entrées de raisins/mout/vin
  • Négociants sur leurs achats ou volumes revendiqués

Le schéma classique est le suivant :

  1. Le vigneron apporte ou revendique son vin, il paie la CVO sur ce volume.
  2. La cave coopérative paie la CVO sur l’ensemble des apports de ses adhérents et peut la répercuter sur eux.
  3. Le négociant verse la CVO sur le vin acheté et revendiqué sous AOP/IGP Rhône.

Quels sont les montants actuels de la CVO en Vallée du Rhône ?

Montant de la CVO pour les AOP Côtes du Rhône et dénominations locales (exemples Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, etc.)

Selon les décisions annuelles du Conseil d’Administration d’Inter Rhône, confirmées par arrêté ministériel, le montant est fixé par l’interprofession. Pour la récolte 2023-2024 les montants sont les suivants (Inter Rhône, 2024) :

Catégorie Montant CVO (€/hl) Base de calcul
AOP Côtes du Rhône / Côtes du Rhône Villages / Crus 8,00 € Chaque hectolitre revendiqué
AOP Vins Doux Naturels (Beaumes-de-Venise, Rasteau...) 13,50 € Chaque hectolitre revendiqué

Remarque : Les montants peuvent être modulés selon le produit et l’appellation (les VDN payant une CVO plus élevée).

Montant de la CVO pour les IGP (ex : IGP Méditerranée, IGP Gard, IGP Vaucluse)

Pour les Indications Géographiques Protégées du Bassin Rhône-Méditerranée/Provence, le montant est fixé à :

  • 6,80 €/hl pour les vins tranquilles en IGP
  • 8,20 €/hl pour les vins mousseux/effervescents en IGP
(Vin Rhône)

CVO négociant : particularités et calcul

Un négoce qui achète du vin à des producteurs ayant eux-mêmes acquitté une CVO en amont doit le justifier afin d’éviter la double imposition. Mais attention, si le vin transite hors du circuit organisé ou fait l’objet d’assemblages, la CVO peut être due plusieurs fois (exemple typique : un vin reconditionné sous une autre AOP, même bassin).

En cas de doute ou de contestation, la traçabilité documentaire est primordiale. D’après Inter Rhône, les cas de « double CVO » sont marginaux mais réels, et font toujours l’objet d’un examen paritaire.

Comparatif : CVO Vallée du Rhône vs autres régions viticoles françaises

Pour mettre en perspective les chiffres rhodaniens, voici un rapide aperçu des CVO sur d’autres bassins (source : Vitisphere, avril 2023) :

  • Bordeaux : 5,65 €/hl AOC rouge et blanc sec
  • Bourgogne/Beaujolais : 11,60 €/hl
  • Champagne : 39 €/hl (en 2023)
  • Languedoc : 8,13 €/hl AOP
  • Alsace : 7,18 €/hl
La Vallée du Rhône se situe donc dans la fourchette supérieure pour la plupart des catégories (hors Champagne), ce qui fait régulièrement débat lors des assemblées générales et réunions interprofessionnelles.

Calcul concret de la CVO selon sa situation en Vallée du Rhône

Un producteur indépendant revendique 450 hl de Côtes du Rhône rouge en 2023 :

  • CVO totale à verser : 450 x 8,00 € = 3 600 €

Une cave coopérative collecte 12 000 hl d’entrées pour ses adhérents :

  • CVO théorique : 12 000 x 8,00 € = 96 000 €
  • Elle répartit cette charge sur les rémunérations des adhérents selon leur volume

Un négociant achète 3 200 hl de vin IGP Méditerranée :

  • CVO totale à verser : 3 200 x 6,80 € = 21 760 €

La CVO peut donc représenter un montant significatif selon la taille et la stratégie d’un opérateur. À l’échelle d’un moyen domaine de 20 hectares, ce sont facilement plusieurs milliers d’euros qui partent chaque année vers l’interprofession.

Juridique : bases, modalités de collecte et possibilité de contestation

La CVO s’appuie juridiquement sur l’article L632-6 du Code Rural, lequel autorise la prorogation par arrêté de l’État des accords interprofessionnels viticoles (voir Legifrance). C’est ce qui fait que la CVO est légalement recouvrée comme une créance civile. L’interprofession délègue la gestion à un organisme de recouvrement (souvent la société Inter Rhône Recouvrement, filiale d’Inter Rhône).

En cas de litige ou de mécontentement (ex : volume facturé supérieur au revendiqué, refus de la part de la cave coopérative de détailler la CVO répercutée), il est recommandé de :

  1. Demander un relevé détaillé à l’organisme collecteur
  2. Rapprocher ses déclarations douanières et service administratif compétent (DRFIP ou DGFIP Rhône)
  3. Se rapprocher d’une organisation professionnelle, d’un avocat ou de la DDTM locale en dernier recours
Les contestations restent rares, malgré la grogne régulière sur la difficulté de contrôle de cette charge et le manque de transparence sur son emploi réel.

À quoi sert concrètement la CVO payée par les vignerons du Rhône ?

D’après les rapports d’activité d’Inter Rhône (rapport 2022), la CVO a financé en 2022 :

  • Plus de 7 millions d’euros d’actions promotionnelles à l’export
  • 1,3 million d’euros pour la défense des AOC (actions en justice, veille, lutte contre la fraude et usurpations, protection des marques collectives)
  • 960 000 € pour l’accompagnement technique, la recherche et l’innovation (projets sur les cépages résistants, agriculture de précision…)
  • 740 000 € pour la formation et les événements professionnels
  • Des frais de fonctionnement et de gestion administrative (considérés comme élevés par certains professionnels)
Le détail des affectations annuelles fait l’objet d’une publication mais reste difficilement accessible et peu lisible pour de nombreux cotisants.

CVO et résistances : entre résignation et exigence de transparence

Chaque année, des voix s’élèvent dans la vallée du Rhône pour contester le poids croissant de la CVO. L’argument principal : ce prélèvement, voté sans consultation directe des producteurs indépendants, pèse parfois plus lourd que la taxe foncière ou la MSA pour certains petits domaines. Plusieurs témoignages remontés lors des réunions locales évoquent un sentiment de « cotisation à fonds perdu » – une routine opaque dont le lien avec leur activité quotidienne leur échappe.

Pourtant, il existe des marges de manœuvre : des audits de l’emploi de la CVO peuvent être demandés lors des assemblées générales, et les représentants professionnels peuvent s’organiser pour exiger plus de clarté sur la répartition des fonds. Rares sont toutefois les actions collectives allant jusqu’à la mise en demeure de l’interprofession ou la remise en cause de certains programmes jugés « déconnectés des priorités du terrain ».

Le défi de demain : quelle CVO pour quelle utilité dans la Vallée du Rhône ?

Face à une conjoncture difficile (baisse des volumes, inflation des charges, concurrence accrue) et la montée d'une génération de vignerons plus exigeante sur la gestion collective, l’avenir de la CVO s’invite régulièrement dans les débats. La vigilance et l’engagement de la base sont devenus indispensables pour garantir la juste utilisation de ces ressources mutualisées.

Rien n’empêche, demain, de proposer de nouveaux modes de gestion ou de répartition, une simplification administrative ou une modulation selon l’activité réelle. Tant que les cotisants restent informés, exigeants et mobilisés, la CVO pourra être améliorée et, qui sait, regagner un sens plus lisible pour tous les acteurs de la vallée du Rhône.

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