Le rôle des interprofessions dans la gestion des fonds des CVO

19/05/2025

Qu’est-ce qu’une CVO et pourquoi est-elle collectée ?

Avant de plonger dans les détails, rappelons rapidement ce qu’est une CVO. Les contributions volontaires obligatoires (un terme qui semble paradoxal !) sont des prélèvements financiers imposés à tous les acteurs économiques d’une filière organisée autour d’une interprofession. Ces prélèvements, obligatoires en réalité, sont collectés pour financer des actions décidées collectivement par cette interprofession, telles que la promotion des vins, la recherche et développement ou encore la défense des intérêts de la filière.

Dans la filière viticole française, les interprofessions régionales, comme le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) ou l’IVSO (Interprofession des Vins du Sud-Ouest), jouent un rôle central dans la collecte et la répartition des fonds des CVO. Chaque litre de vin vendu ou produit génère une "contribution" - calculée en fonction des volumes produits ou commercialisés - qui alimente ces fonds.

Des missions variées… mais une opacité persistante

Les missions théoriques des CVO incluent :

  • La promotion des vins : campagnes publicitaires, création d’événements, investissements pour valoriser des appellations sur les marchés internationaux.
  • La recherche et innovation : financement de projets viticoles visant à améliorer la qualité des vins ou à répondre aux défis comme les maladies de la vigne et le changement climatique.
  • Les actions de régulation : adaptation de l’offre à la demande via des mesures économiques, soutien à des stratégies collectives pour stabiliser les prix ou limiter les excédents.

Sur le papier, ces objectifs paraissent incontournables pour défendre la filière. Mais dans les faits, la gestion de ces fonds manque souvent de transparence. Peu de vignerons savent réellement ce qu’il advient de leur contribution, ou comment sont prises les décisions concernant leur affectation.

La répartition des fonds : entre promotion et frais de structure

Des millions d’euros collectés chaque année

Selon des estimations, les fonds collectés via les CVO pour la filière viticole française atteignent plusieurs centaines de millions d’euros par an. Par exemple, en 2021, le CIVB (Bordeaux) a géré un budget de plus de 29 millions d’euros, dont une large part provenait des CVO. En Bourgogne, l’interprofession a déclaré plus de 13 millions d’euros de recettes pour la même année.

Ces montants considérables sont utilisés pour financer principalement :

  • Les campagnes de communication à destination des marchés internationaux (spots publicitaires, présence sur les salons, relations presse).
  • La gestion interne des interprofessions elles-mêmes (salaires, frais de fonctionnement, études diverses).

Mais un sujet revient régulièrement sur la table : ces fonds sont-ils utilisés au profit direct des viticulteurs, ou servent-ils avant tout à maintenir un système bureaucratique bien huilé ? De nombreux professionnels jugent que les frais de fonctionnement des interprofessions, parfois très élevés, représentent une part disproportionnée du budget.

Une priorité donnée aux grands opérateurs ?

Un autre aspect dénoncé est la supposée préférence accordée aux grandes structures lors de la répartition des fonds. À Bordeaux, par exemple, certains vignerons indépendants ont pointé du doigt des programmes de promotion concentrés sur les grandes marques ou les négociants bien établis, laissant peu de visibilité aux petits producteurs. À qui profite réellement l’argent des CVO ? Cette question, souvent posée, pousse de plus en plus de vignerons à réclamer davantage de transparence et une meilleure justice dans l’utilisation de ces fonds.

Les zones d’ombre dénoncées par les vignerons

La gestion des fonds des CVO n’a pas été exempt de critiques. Certains vignerons et syndicats mettent en lumière plusieurs zones d’ombre :

  • Une insuffisante consultation des producteurs : Bien que les interprofessions se revendiquent comme des structures "collectives", les vignerons indépendants estiment souvent ne pas être consultés ou entendus sur les décisions stratégiques.
  • Un manque de transparence : L’utilisation détaillée des fonds reste difficilement accessible. Combien sur chaque euro récolté est effectivement utilisé pour promouvoir les vins ou financer des projets de recherche ?
  • Des investissements peu mesurés : Peu d’évaluations sont réalisées pour connaître l’impact réel des campagnes financées par les CVO, qu’il s’agisse de leur efficacité commerciale ou de leur impact sur le terrain.

Un rapport de la Cour des comptes datant de 2019 avait déjà pointé plusieurs dysfonctionnements dans la gestion des interprofessions agricoles, appelant à un renforcement des audits et des contrôles.

Quels leviers pour une meilleure transparence ?

Face à ces critiques, plusieurs solutions pourraient être envisagées pour garantir une gestion équitable et transparente des fonds des CVO :

  1. Rendre publiques les décisions financières : Chaque interprofession pourrait publier, chaque année, un rapport détaillant les affectations budgétaires, accessible à tous les cotisants.
  2. Évaluer systématiquement chaque action : Mettre en place des critères clairs pour mesurer les retours sur investissement des actions financées par les CVO.
  3. Renforcer la représentation des producteurs : S’assurer que les vignerons indépendants et les petites exploitations soient aussi représentés dans les instances décisionnaires.
  4. Limiter les frais structurels : Imposer un plafonnement des dépenses de gestion pour maximiser l’impact sur le terrain.

Ces pistes ne sont pas irréalistes, mais elles nécessitent une volonté politique et une implication collective au sein de la filière.

Une mobilisation nécessaire pour un défi collectif

Les interprofessions ont certainement un rôle essentiel à jouer dans la structuration et la défense de la filière viticole. Mais le système des CVO, dans sa gouvernance actuelle, mérite une profonde réflexion. Transparence, équité et efficacité doivent être des priorités si l’on veut répondre aux attentes des vignerons, qu’ils soient petits ou grands. La mobilisation collective est plus que jamais nécessaire pour réclamer des comptes et garantir que ces contributions, finalement financées par le travail de tous, bénéficient vraiment à l’ensemble de la filière.

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