Décryptage d’une absurdité apparente : la "cotisation volontaire obligatoire" dans le secteur viticole

05/05/2025

Origine de la "cotisation volontaire obligatoire" (CVO)

La cotisation volontaire obligatoire trouve son origine dans le système français des "organisations interprofessionnelles", instauré pour structurer, financer et défendre les intérêts collectifs d’une filière agricole donnée. Ces organisations rassemblent les différents acteurs d’une même filière – producteurs, transformateurs, négociants – dans le but de mutualiser des ressources pour mener des actions collectives : recherche, promotion, gestion des crises, etc.

Dans le secteur viticole, les interprofessions jouent un rôle crucial et sont souvent liées géographiquement à une appellation (AOC/AOP). Par exemple, le Comité Champagne pour la région champenoise, ou encore les interprofessions des vins de Bordeaux, d’Alsace ou de Bourgogne. Une fois qu’une interprofession est reconnue par l’État, ses décisions peuvent être rendues obligatoires pour tous les membres de la filière, même ceux qui ne se sentent pas représentés par elle.

C’est à ce moment-là que l’expression "cotisation volontaire obligatoire" entre en jeu : les interprofessions financent leurs actions par des prélèvements sur tous les membres de la filière, qu’ils soient ou non volontaires pour y adhérer. Autrement dit, la contribution est obligatoire… mais s’appelle volontaire parce qu’elle résulte d’une décision collective votée par l’interprofession (et non imposée directement par les pouvoirs publics).

CVO : à quoi sert cet argent ?

Si les CVO sont si décriées, c’est en partie parce qu’il est légitime de se demander : "À quoi sert cet argent ?". Selon les interprofessions, les montants collectés peuvent varier, mais leurs usages couvrent généralement les points suivants :

  • Promotion des produits : financement de campagnes publicitaires en France et à l’étranger pour renforcer la notoriété d’un vin ou d’une région.
  • Recherche et innovation : soutien aux projets de recherche sur les cépages, la qualité des sols ou les méthodes de production (notamment pour répondre aux défis climatiques).
  • Défense des appellations : actions juridiques pour protéger les AOC/AOP contre les contrefaçons ou abus d'utilisation.
  • Gestion des crises : réponse collective face à des phénomènes tels que les aléas climatiques, les fluctuations des marchés ou un surplus de production.

Ces initiatives peuvent bénéficier à l’ensemble de la filière. Cependant, certains vignerons se sentent exclus du processus de décision et estiment ne pas obtenir un retour à la hauteur de leur contribution financière. Ce manque de clarté sur l’utilisation des fonds et leur finalité alimente les critiques.

Pourquoi est-ce controversé ?

La CVO ne manque pas de détracteurs parmi les vignerons et viticulteurs. Voici les principaux arguments avancés pour dénoncer cette approche :

1. L’absence de véritable choix

Bien que qualifiée de "volontaire", cette cotisation est en réalité automatique et applicable à tous les producteurs de la filière dès lors que son interprofession a émis un avis favorable, validé ensuite par le ministère de l'Agriculture. La perception d’une contrainte est donc très forte, en particulier pour les petits vignerons qui peinent à en voir les bénéfices.

2. Le manque de transparence

Quelles campagnes précises ont été financées ? À quel coût ? Qui, en réalité, profite le plus de ces actions collectives : les petits producteurs ou les grands négociants ? Le flou entretenu par certaines interprofessions sur la répartition des fonds suscite méfiance et colère. Une transparence accrue sur les dépenses pourrait éclaircir les tenants et aboutissants, mais cela reste encore une demande ignorée dans plusieurs régions.

3. Une lourdeur disproportionnée pour les petites exploitations

Les CVO sont calculées sur des critères de volumes de production ou d’appartenance à une AOP. Bien que cela paraisse équitable en théorie, dans la pratique, cette charge pèse proportionnellement plus lourd sur les petites exploitations, qui ont souvent peu de marge de manœuvre financière. On peut alors se demander si cette logique ne joue pas involontairement en faveur des grands producteurs, déjà mieux armés.

4. Un manque de représentativité

Certaines voix dénoncent une gouvernance au sein des interprofessions qui favorise les plus grandes structures, au détriment des petits acteurs. Cela crée une fracture : les modestes viticulteurs n’ont pas l’impression que leurs besoins spécifiques soient pris en compte dans les décisions collectives.

Quels moyens d’action pour les vignerons ?

Face aux critiques, plusieurs alternatives ou lignes d’actions peuvent être envisagées :

  • Un contrôle citoyen des interprofessions : impliquer davantage les producteurs, notamment les plus petits, dans les organes décisionnels des interprofessions. Cela garantirait une meilleure prise en compte des besoins réels de la base.
  • Une révision du système de cotisation : certains préconisent une modulation des cotisations selon la taille ou le chiffre d'affaires de l'exploitation, pour soulager les petits producteurs.
  • Une transparence totale : rendre publics et détaillés les budgets des interprofessions afin que chaque cotisant sache précisément à quoi son argent est alloué.
  • Des recours juridiques : certains producteurs préférant contester font appel au droit pour remettre en cause le caractère obligatoire des CVO, mais ce genre d’action reste complexe et long.

CVO : Un système à réformer, des enjeux à clarifier

La notion de "cotisation volontaire obligatoire", bien qu’unique en son genre, cristallise des tensions dans le secteur viticole français. Si son principe de remplacer les initiatives individuelles par une action collective peut sembler pertinent, son exécution met en lumière les failles d’un système perçu comme parfois injuste, opaque et déséquilibré. Pour les vignerons et viticulteurs, l’heure est venue de réclamer des changements structurels.

À travers des réformes et un dialogue renforcé, il est possible d’imaginer un modèle où chacun – petit ou grand producteur – se sente véritablement inclus et soutenu. La vigne est un travail de patience et d’investissement, il est temps que cela se reflète aussi dans nos organisations.

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